L’analogie entre le vivant et l’ordinateur a été introduite avec circonspection par Schrödinger, et s’est largement propagée depuis, rarement avec un sens technique précis. Les critiques sur cette perspective sont nombreuses. Nous insisterons sur le fait que cette perspective est mobilisée pour justifier ce que l’on peut appeler un « hypermécanicisme » qui est un « hyperréductionisme », par comparaison avec la mécanique classique et plus généralement la physique ou la méthode cartésienne. À l’opposé de la métaphore computationnelle, mais aussi de la réduction aux cadres physiques, nous contribuons à élaborer un cadre épistémologique et théorique pour comprendre le vivant. Dans ce cadre, l’historicité est centrale et les régularités susceptibles de mathématisation sont des contraintes dont l’existence est fondamentalement précaire et historiquement contingente. Nous proposons alors de réinterpréter l’ordinateur, non, plus comme machine de Turing mais comme constitué de contraintes. Ceci permet de comprendre que le calcul au sens de Church-Turing n’est qu’une partie de la détermination théorique de ce qui se passe effectivement dans un ordinateur, lequel se place dans un contexte plus large (utilisateur, ordinateurs en réseau, propriétés du matériel, ...) et dans une historicité technologique tant matérielle que logicielle (qui n’a de sens que dans ce contexte plus large).