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Séminaire 2020-2021 : Vie - Numérique - Santé

Cover slide from the talk “Séminaire 2020-2021 : Vie - Numérique - Santé”

En biologie comme en médecine, le numérique joue depuis longtemps et de façon croissante le rôle d’outil technique, de la preuve statistique aux bases de données massives et à la publication. Comment s'articulent la connaissance du vivant, la pratique du soin et ces nouvelles technologies?

Montévil, Maël, and Giuseppe Longo. 2021. Séminaire 2020-2021 : Vie - Numérique - Santé

Argumentaire

En biologie comme en médecine, le numérique joue depuis longtemps et de façon croissante le rôle d’outil technique, de la preuve statistique aux bases de données massives et à la publication. Mais elle joue aussi le rôle de modèle mathématique, voire de cadre conceptuel pour une approche théorique et pour une justification de l’action. Du mythe du programme génétique, de l’ADN comme codage complet de l’information biologique, on est passé aux grandes promesses de la médecine de précision, basée sur des corrélations détectées dans des grandes bases de données, à l’individuation des soins (‘‘médecine personnalisée’’) basée sur les données génétiques.

Des parcours scientifiques alternatifs ont eu des difficultés à se frayer un chemin dans le passé et se trouvent encore aujourd’hui marginalisés. L’épigénétique, même restreinte à l’analyse moléculaire du protéome cellulaire, ne retrouve que depuis peu une place en biologie de l’organisme. Une vision unitaire de ce dernier n’est pas encore théorisée de façon satisfaisante et elle est rarement au cœur des projets de recherche, surtout des plus importants, concentrant les moyens autour de projets essentiellement technologiques. On voit alors des difficultés à penser théoriquement le regard global du clinicien sur le malade, du biologiste sur l’organisme et sur son écosystème. Quel rôle le numérique a-t-il eu et continue-t-il à avoir dans l’essor des nouvelles technologies en biologie et en médecine, quel apport constructif et quels biais a-t-il produit suite à ces applications ?

On essayera d’analyser le parcours historique qui a conduit à une nouvelle alliance entre une vision, propre au numérique, de la ‘‘détermination’’ scientifique, qui structure la causalité, et une hégémonie culturelle des outils numériques, qui organisent le social. Un dialogue entre scientifiques et humanistes est au cœur de notre projet. Nous pensons en effet que l’épistémologie des mathématiques et de la physique ont joué un rôle important dans la construction des savoirs du vivant au cours du XXe siècle et que leur impact sur l’humain a été subordonné à des formes de ‘‘gouvernance’’de l’homme et de la nature qui ont façonné la recherche dans toutes les sciences. Il s’agira de comprendre l’articulation de cet impact dans ces dernières années, quand les Big Data et, par conséquent, la « personalized medicine », ont accru le rôle de la collecte des données à partir des tous le « -omics » (genomics, proteomics, metabolomics ...), molécule par molécule. Le but de ces recherches est alors de replacer l’organisme, l’humain et le social, vus dans leur rapport à l’écosystème, au centre des préoccupations dans les sciences du vivant.

Nous pensons que, par le biais d’une réflexion générale, ce séminaire pourra aussi toucher certains des questions d’actualité comme les transformations des systèmes de santé que la pandémie de Covid 19 a contribué à mettre en lumière. Pourraient notamment être abordées :

  • les impasses de la gouvernance de la santé par les nombres (notamment celles du New Public Management du secteur hospitalier) ;
  • la montée en puissance des outils informatiques dans la prévention et le traitement des maladies ;
  • le conflit entre les logiques entre l’accès universel au soins et l’assimilation des biens médicaux à des services marchands ;
  • le lien entre la globalisation économique et la montée en puissance de nouveaux risques sanitaires ;
  • la diversité des systèmes d’assurance maladie ;
  • la solidarité internationale dans le domaine sanitaire.

Nicolas Chaignot Delage - mardi 31 mars à partir de 15h00

Chercheur en sciences humaines du travail, ASTI Toulouse

Résident à l'IEA de Nantes, 2020-2021.

A propos de la centralité du travail vivant : quelques enseignements de la psychodynamique du travail

La question du travail vivant m'est apparue en filigrane des différentes interventions et échanges du 4 décembre dernier, comme une thématique d'importance qui mériterait que nous nous attardions à l'occasion de notre prochaine rencontre. Plus particulièrement, je voudrais revenir sur la thèse de la centralité du travail, en discuter les fondements et son actualité, au regard de notre objet transdisciplinaire "La vie, le numérique et la santé".

Cette question est ancienne et a connu certaines oppositions importantes dans les années 90, avec notamment la controverse ouverte par Jeremy Rifkin (1997) sur la fin (supposée) du travail et par Dominique Méda (1995) sur l'idée d'une nécessaire décentration humaine à l'égard du travail. Dans les sciences humaines et sociales, ces débats sont toujours présents et d'une certaine manière réactualisés par l'essor grandissant du numérique : l'impact quantitatif de l'informatisation sur l'emploi, "l'ubérisation" et le risque de décomposition du droit du travail et ses incidences qualitatives sur le travail en tant qu'activité humaine.

La thèse de la centralité du travail vivant, qui suggère l'idée selon laquelle le travail serait un centre de gravité incontournable de nos existences humaines (pour le meilleur et pour le pire), se trouve être aujourd'hui mise à l'épreuve. On pourrait même soutenir qu'il y aurait une exacerbation de cette remise en cause sous l'effet de la crise sanitaire mondiale que nous traversons. Nul doute que l'activité de travail s'est transformée voire métamorphosée, notamment avec la généralisation du travail à distance et avec la destruction des emplois par centaines de millions (OIT, 2021). Les effets ambivalents de ces bouleversements sont encore, il est vrai, difficilement analysables. Cependant, du point de vue de la Clinique du travail, apparaissent déjà à grands traits plusieurs problématiques incontournables : une tendance générale à l'augmentation de la surcharge de travail pour celles et ceux qui travaillent, qui se corrèle à une souffrance grandissante de celles qui en sont privés et enfin un manque crucial de liens sociaux et de coopération au travail qui ont une incidence sans précédent sur la construction de la santé mentale des sujets humains.

Ces constats empreints d'une négativité certaine, n'en soulignent pas moins la prégnance d'une centralité du travail vivant. Lors de notre prochaine séance du 23 février prochain, je voudrais discuter de la pertinence de cette métaphore géométrique et de ses conséquences sur le plan théorique. À partir de la psychodynamique du travail (Christophe Dejours, 2009), qui est la discipline scientifique qui soutient peut-être le plus fortement cette thèse, j'aimerais ainsi ouvrir avec vous un débat épistémologique (notamment sur les notions de travail vivant, de santé, de technique et de justice sociale), en vue de construire des ponts entre nos "sciences de la nature" et "sciences de l'esprit", et peut-être ainsi être mieux à même de comprendre notre "travail" de chercheur à l'ère de l'anthropocène.

Répondant : Alain Supiot (Collège de France)

Repères bibliographiques :

Mariano Bizzarri - 28 avril 2021

Professeur à l’Université La Sapienza de Rome et directeur en chef de la revue ORGANISMS (www.sbglab.org)

La normalisation phénotypique de la tumeur pour le traitement du cancer. Une approche centrée sur le concept d’organisme

Plusieurs études ont montré que les cellules cancéreuses peuvent être "phénotypiquement inversées", réalisant ainsi une "réversion tumorale", le tout en perdant leurs caractéristiques malignes telles que leurs capacités migratoires et invasives. Ces résultats suggèrent que l’activité du génome peut changer pour adopter une configuration fonctionnelle différente, c’est-à-dire un modèle différent de réseau de régulation génétique. En effet, une fois "déstabilisées", les cellules cancéreuses entrent dans une phase de transition critique qui peut être "orientée" de manière adéquate par des facteurs morphogénétiques non encore identifiés - agissant à la fois sur les cellules et leur microenvironnement - qui déclenchent un ensemble orchestré de changements structurels et épigénétiques. Un tel processus peut contourner les anomalies génétiques, en réorientant les cellules vers un phénotype bénin. Les ovocytes et les tissus embryonnaires, obtenus chez des animaux et des humains, présentent une telle capacité de "reprogrammation", car un certain nombre de facteurs dérivés d’embryons, encore mal identifiés, peuvent inverser le phénotype malin de plusieurs types de tumeurs. Les mécanismes impliqués dans le processus de réversion comprennent la modification du dialogue cellule-microenvironnement (principalement par le remodelage du cytosquelette), l’ouverture de la chromatine, la déméthylation et les changements épigénétiques, la modulation des voies biochimiques, y compris les chaînes TCTP-p53, PI3K-AKT, FGF, Wnt et TGF-β. Les résultats qui seront discutés promettent d’ouvrir de nouvelles perspectives non seulement dans la compréhension de la biologie du cancer mais aussi vers différentes options thérapeutiques, comme le suggèrent quelques études cliniques préliminaires.

Répondant : Cyril Rauch, Associate Professor à l’Université de Nottingham

Nicolas Bouleau - Lundi, 7 juin 2021

Programme

  • 17:00 - Introduction par Maël Montévil (IRI et IHPST, Paris)
  • 17:15 - Présentation par Nicolas Bouleau (Professeur émérite à l’Ecole des Ponts ParisTech)

"CE QUE LA NATURE SAIT" La révolution combinatoire de la biologie et ses dangers

Après avoir exposé synthétiquement les thèses principales de ce livre dont le sous-titre est « La révolution combinatoire de la biologie et ses dangers », nous nous focaliserons sur le côté problématique du titre en discutant comment la nature peut savoir quelque chose. La discussion mobilisera de façon centrale le concept d’intention comme notion clivante en particulier pour les bienfaits et les risques de la biologie.
Puis nous évoquerons la question du hasard dans le discours classique sur la nature en particulier chez Jacques Monod, ce sera l’occasion de citer les travaux profonds de Georges Matheron qui méritent d’être mieux connus.

La combinatoire est centrale dans cet essai, considérée comme champ cognitif, nous insisterons sur ses spécificités et verrons qu’elle impose un nouveau rapport à l’ignorance.

Enfin nous discuterons certains aspects de la pensée approximative et les excès des modélisations dans R^n (prononcer errène) de l’écologie par bilans, ainsi que la notion de « niche » comprise quantitativement selon Hutchinson.

Premier discutant : Giuseppe Longo (CNRS – ENS, Paris)

  • 19:00 - Fin des travaux