Approche théorique des organismes pour la médecine
Avec l’arrivée des algorithmes en médecine, il y a deux voies possibles. Certains pensent que l’on peut automatiser l’essentiel de la pratique médicale et dans ce cas le médecin deviendra subordonné à la machine. La médecine par la preuve ouvre déjà cette voie en standardisant la décision médicale, même si cette automatisation ne passe pas par une machine. L’alternative consiste à redonner une centralité à l’analyse du médecin et à subordonner l’automatisation et la modélisation à son regard critique.
La biologie théorique permet de trancher entre ces deux options et nous conduit à promouvoir la seconde. Pour le comprendre on peut introduire brièvement la question des normes biologiques. Avant la théorie de l’évolution, la théologie naturelle posait l’existence d’un ordre naturel dont les normes, statiques, étaient données par Dieu. À l’opposé, la théorie de l’évolution pose que les normes des organismes ne sont pas statiques et changent au cours du temps. Si l’on raisonne avec des normes fixes, comme dans le cadre de la théologie naturelle, les statistiques sont adéquates pour révéler les normes biologiques. À l’opposé, dans le cadre de l’évolution, le vivant se caractérise par la production de nouvelles normes qui demandent à être analysées dans leurs singularités. Alors, il semble bien que l’analyse statistique, y compris dans sa version sophistiquée sous forme d’IA, soit nécessairement incomplète pour l’analyse des organismes vivants et de la diversité de leurs organisations. Les statistiques ne peuvent donc pas remplacer le jugement du médecin confronté à un individu et ses particularités.
Cette brève discussion illustre le fait que l’utilisation rationnelle des moyens numériques ne saurait se passer d’une élaboration théorique en amont. Dans cette rencontre nous allons présenter ces idées et des méthodes pour appréhender les organisations biologiques dans leur complexité.